Archives de catégorie : Artisanat

Découverte de l’atelier de couture de Sakura Fabric – deco, origami and sewing

Présentation générale

J’ai eu le plaisir de visiter l’atelier de couture de Sakura Fabric – deco, origami and sewing tenu par Vanessa Maira, graphiste de formation.

Outre son activité, elle possède différents loisirs sur le côté : kendo depuis 15 ans, iaido depuis 3 ans et évidemment, c’est une passionnée du Japon : manga, culture, voyage, etc.  Imprégnée de cette culture, c’est en voyant les tissus japonais qu’elle eut envie de se lancer dans la couture en tant que loisir.

Comment a-t-elle appris la couture ?

Depuis toute petite, elle a baigné dans le monde de la couture : sa maman était couturière et travaillait dans les ateliers. Elle venait de temps en temps la chercher au travail le mercredi avec son papa et restait parfois dans l’atelier afin de regarder les autres travailler. Cette ambiance lui a vraiment plu et lui a laissé quantité de souvenirs positifs.

À côté, il y avait sa marraine qui avait son propre atelier de couture et avec qui elle a passé beaucoup de temps. Sa marraine a par la suite arrêté la couture pour travailler avec son mari mais elle a continué la couture en tant que hobby. C’est elle qui lui a beaucoup enseigné, notamment le début : comment rapiécer deux bouts de tissus, etc. avec une vielle machine à pédale avec laquelle Vanessa utilisait ses deux pieds quand elle était petite pour la faire fonctionner.

Quand Vanessa a vu les tissus Japonais, elle en a eu assez d’avoir des étuis à sabre standard où le tissu enveloppant le sabre avant de le mettre dans le sac dédié était « banal », « trop fin », « de mauvaise qualité », etc. Si l’on voulait avoir un bel étui ou avec un tissu plus épais, les prix montaient de manière affolante. Elle a alors décidé de créer les siens. D’abord avec des tissus style jacquard, elle a fait des tests « style japonisant » et voyait que cela passait bien. Quand les camarades des arts martiaux ont vu le résultat, ils ont vite demandé d’où ils venaient, où elle l’avait acheté etc. Vanessa leur a alors répondu que c’était elle qui les avait faits, c’est ainsi que l’aventure a démarré.

Comment son activité a débuté ?

L’aventure a donc commencé en fabriquant des étuis à shinai (sabre en bambou pour le kendo). Elle a testé des touts simples, puis a utilisé des tissus de plus en plus beaux et raffinés. Les clients ont poursuivi en lui demandant si elle faisait également des étuis à iaito (réplique de sabre en métal non tranchant pour la pratique du iaido). Elle a alors commencé par un modèle et voyant que cela fonctionnait, elle a continué avec ses produits. Elle réutilise les restes de tissus pour faire des pochettes et autres pièces de petites tailles. Elle essaye de réutiliser les chutes de tissus au maximum.

Elle a fait venir des tissus du Japon qui ont un certain prix, alors autant les utiliser au maximum. Les cotons japonais sont réputés pour être d’excellente qualité, ce n’est pas pour les jeter ! Plusieurs clients ont des tenugui (foulard multi fonction que l’on utilise dans la maison et sur la tête sous le casque – men – en kendo), qu’ils ont nettoyés plusieurs fois et les couleurs ne bougent pas. Vanessa est très contente de la qualité de ces tissus.

Pourquoi utiliser les kimonos d’arts martiaux ?

Au départ, Vanessa n’utilisait que des tissus qu’elle achetait et, en voyant un vieux kendo-gi (veste de kendo) qui était déchiré au niveau des épaules à cause du frottement des himo (cordes servant à faire tenir le plastron – do), elle s’est dit que ce serait dommage de le jeter à cause des épaules alors que les ¾ sont encore bons. Elle a donc essayé de le découper et de l’étaler pour voir la quantité de tissu disponible et a vu qu’il y avait moyen de le récupérer. Le premier truc qu’elle a fait est un sac qui se plie à l’image d’un sac de plage ou de course (style tote bag). Elle a également récupéré un ancien obi (ceinture de kimono) pour faire ce sac.

Pourquoi des créations en liens avec le Japon ?

Parce que Vanessa baigne dans la culture japonaise de par les arts martiaux qu’elle pratique, c’est sa source principale pour l’inspiration. Vu qu’elle utilise presque exclusivement des tissus japonais et/ou japonisants, elle voulait rester dans l’univers du Japon de par la qualité des tissus et les motifs utilisés. Ce sont de superbes tissus avec un choix énorme. Elle aime beaucoup les dessins ainsi que toutes les représentations que l’on peut voir dessus.

Quand elle coud un vieux obi, elle ne peut s’empêcher de penser à la personne qui l’a porté. Il y a toute une histoire derrière, tout comme pour les kendo-gi. Elle en reçoit de personnes plus ou moins connues dans le milieu du kendo et iaido. Quand on reçoit le kendo-gi ou hakama (pantalon large de kendo et iaido) d’un pratiquant avec une belle expérience et pratique, ce n’est pas rien ! Vanessa trouve que l’histoire de ces vêtements est fascinante et on ne peut que la rejoindre.

Pourquoi la récup’ ?

Vanessa trouve que l’on jette beaucoup, que nous sommes dans une société de consommation où il est facile d’acheter du neuf parce que ce n’est pas cher. C’est comme manger, elle déteste gaspiller de par son éducation. Nous avons la chance d’être dans des classes moyennes, d’avoir ce que l’on a et gaspiller n’est pas une option. Tant que nous avons des vêtements et des tissus, autant les garder et les réutiliser au maximum, les faire perdurer dans le temps à la place d’acheter du nouveau qui ne va pas peut-être pas durer aussi longtemps. C’est un peu de l’écologie mais c’est surtout un moyen de ne pas surconsommer.

Qu’est-ce qui l’inspire ?

Vous l’aurez compris, le Japon est fatalement sa source d’inspiration principale : les voyages qu’elle a y a faits, l’art en général (n’oublions pas qu’elle est graphiste), etc. Il y a également toutes les tendances asiatiques qui l’inspirent que ce soit pour la composition, les couleurs, la simplicité, la sobriété, etc. De ses propres dires, c’est comme le Scandinave qui est très épuré alors que le Japon est davantage dans la sobriété mais complexe. Les meilleurs exemples sont dans le vieux Kyôto, plus précisément dans le quartier de Gion où il y a de très vieilles boutiques avec que des artisans, ce qui l’inspire énormément.

Où trouve-t-elle les partons/modèles/tissus/Kimono ?

Pas de chance, en réalisant l’interview, j’espérais capter quelques sources pour les patrons et modèles mais Vanessa m’a confié n’en avoir aucun, elle les fait elle-même par essais-erreurs. Elle a un carnet où elle fait des croquis et reporte les mesures qu’elle doit utiliser pour les découpes des tissus et le prix général pour un client, toujours en fonction des tissus utilisés. Ainsi, elle connaît le métrage de tissus à utiliser et la charge de travail inhérente. Une fois la pièce créée, elle la soumet au client et à son mari pour consultation qui, pratiquant également les arts martiaux, peut donner des conseils sur la manière d’agencer les sacs, les pochettes (pour les tsuba par exemple- les gardes en plastique pour les shinai), les lanières, etc. afin d’améliorer ses créations et toujours répondre à une personnalisation des sacs selon chaque client, ses besoins et sa manière d’agencer/ranger son matériel.

Concernant les matériaux et les tissus, Vanessa trouve les obi au Japon. Il y a des magasins qui sont spécialisés dans les yukata et les kimono avec des seta (chaussures en paille). Souvent, dans le fond des boutiques, il y a un rayon de seconde main avec des obi. Il y a également des obi abimés à prix dérisoire alors qu’ils restent toujours aussi magnifiques. Par exemple, il y en avait un avec une brûlure de cigarette et un autre avec une tache. Les commerçants ne pouvaient par les vendre au prix habituel. Quand on pense qu’un véritable obi fait 6 à 8m, cela devient très intéressant. Sinon Vanessa trouve les autres tissus japonais et japonisants sur des sites spécialisés car il n’y a pas de boutique attitrée en Belgique. Pour les tissus plus génériques, comme du coton unis, elle trouve cela dans les merceries habituelles. Pour ce qui est des cuirs, elle a trouvé une astuce un peu récup’ également : un magasin qui fait des salons en cuir qui vend ses chutes de cuir à la caisse au kilo. Cela tombe bien pour Vanessa car elle n’a pas besoin de grand métrage. Cependant, c’est la surprise du chef concernant le contenu : si on prend une boîte colorée, on ne sait pas trop ce qu’il y aura dedans ou si on prend une boîte dans les tons noir ou brun, au saura alors plus ou moins ce que l’on aura. Cela permet pour le magasin de ne pas jeter les cuirs et pour Vanessa d’utiliser de beaux cuirs véritable et de qualité pour ses créations.

Où en est son projet ?

Le projet de Vanessa est toujours en amateur, pas en professionnel. Les clients peuvent voir ses créations et commander via sa page Facebook et sa page Instagram.

Comme c’est de la customisation, elle part du principe qu’il faut satisfaire le client. Les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas. Comme elle est partie d’un sac à shinai qu’elle n’aimait pas, ce n’est pas elle qui vous jugera sur vos demandes de personnalisation ! Les clients choisissent tout : les tissus, les poches, leur position, la taille, etc. La clientèle de Vanessa est principalement composée de kendoka et iaidoka (pratiquants de kendo et d’iaido), en Belgique mais également à l’étranger.

Durant le confinement, elle a produit et vendu environs 300 masques faits à base de tissus japonais. Elle s’est adaptée durant cette période particulière. Vanessa propose parfois ses produits durant les séminaires, stages, championnats, etc., ce qui lui permet de tenir un stand et de faire la promotion de son artisanat.

Vanessa ne fait pas que de la couture mais également du tricot (snoods), des origamis, etc. Pour vous donner une idée, elle a fait un millier de grues en papier avec différentes couleurs pour la décoration des tables de son mariage. Un grand tonnerre d’applaudissements pour ses efforts et sa détermination !

Vanessa n’a pas d’objectif fixé concernant son projet car il a commencé pour le côté fun. Ses créations plaisent, elle a de plus en plus de retours positifs et elle commence à avoir de plus en plus de commandes. Cela lui fait plaisir de faire plaisir aux autres. Si les clients sont contents et satisfaits, elle continuera le temps qu’il faudra. Elle pense à se faire connaître davantage au niveau européen lors des évènements de kendo et de iaido et aller plus loin dans le concept de customisation, côté qui lui plaît le plus.

Elle a également développé une gamme pour animaux : collier, harnais, bandana, nœud papillon notamment en veste de kendo bleu indigo mais aussi avec des tissus japonais, parfait pour vos toutous !  Vanessa ne peut pas vivre pleinement de son projet mais s’il prend bien, peut-être que les choses changeront. Seul l’avenir nous le dira. Affaire et pages à suivre ! 

Vanessa peut compter sur le soutien de son mari pour améliorer les objets qu’elle crée et la gestion quotidienne ainsi que les conseils de sa mère et de sa marraine qui sont toutes deux couturières.

Quelles sont les difficultés qu’elle rencontre et a rencontrée ?

La principale difficulté rencontrée a été et est de se faire connaître. Au début, on se demande si cela va plaire au client, en particulier quand on n’est jamais assez satisfait de son travail. Elle voit toujours que l’on peut mieux faire. Elle n’est jamais satisfaite à 100% et cherche donc continuellement à s’améliorer.

La principale difficulté durant le covid est qu’elle commençait à avoir une notoriété dans le monde du kendo et tout s’est arrêté d’un coup, plus d’évènements, plus de kendo, plus rien pendant 2 ans et demi… Du coup, son activité a pris un coup et s’est recyclée, sans mauvais jeux de mots, dans la fabrication des masques. Elle a continué à faire sa promotion sur internet, à montrer qu’elle était toujours présente et montrer ses productions.

Quels conseils donnerait-elle à quelqu’un qui souhaite se lancer dans la couture ?

Si Vanessa devait donner un conseil pour quelqu’un qui souhaite se lancer dans la couture est la pratique. C’est comme le kendo, l’iaido et la vie en général : il faut se lancer, essayer, rater et réessayer encore jusqu’à satisfaction. Commencez par des choses faciles comme des tenugui, des furoshiki (emballage cadeau en coton de forme carrée), faites des ourlets, des petites pièces au début. Vous apprendrez en faisant des essais. Vous avez raté une pièce ? Ce n’est pas grave, recommencez autant de fois que nécessaire. C’est ainsi que se fait l’apprentissage. Prenez également des notes et répertoriez-les dans un carnet, avec les schémas, les cotes, les conseils etc. Une fois que vous êtes à l’aise, n’hésitez pas à sortir de votre zone de confort et innovez.

Une chose à ajouter ?

En parallèle de la couture, Vanessa se lance dans d’autres projets de décorations : origami, le dessin, la peinture tibétaine, etc. Elle est en recherche constante de nouveautés à explorer. Elle est à la recherche de quelque chose qui va plaire. La création est un besoin chez elle, sans quoi elle s’ennuie. C’est probablement dû à son métier de graphiste où il faut se creuser les méninges pour satisfaire le client. Partir d’une page blanche correspond à ce dont elle a besoin, tant dans son métier, que dans la couture et la vie de manière générale. La création nous oblige à nous surpasser mais ce n’est pas aussi stimulant que de « simplement » exécuter.

Un mot pour la fin ?

Pour clôturer cette interview, Vanessa m’a confié quelque chose de compliqué à appliquer : il faut croire en ses rêves et en ce que l’on fait. Même si pour certaines personnes c’est un peu plus dur que pour d’autres, il faut croire en soi et c’est valable pour tout car c’est cela qui nous aide à avancer.

Depuis qu’elle a passé son 4ème Dan en kendo, elle y arrive de plus en plus mais c’est un chemin long, compliqué et semé d’embuches. Si elle a obtenu le grade, malgré 7 tentatives auparavant (ce qui est tout à fait normal quand on arrive au 3ème, 4ème Dan et au-delà), elle se dit qu’elle peut avoir de plus en plus confiance en elle. Elle essaye, ce n’est pas toujours facile mais à force de persévérance, elle arrive à atteindre son but, que ce soit dans les arts martiaux, au travail, en couture et dans les autres domaines.

Voulez-vous en savoir plus ?

Vous pouvez aussi la contacter par mail à l’adresse suivante: info@sakurafabric.be

Crédit photo : Sakura Fabric par Vanessa Maira

The Setsugekka project: minimalist beauty

Setsugekka (雪月花), a poetic name for the natural beauty of the seasons in Japan: the snow of winter, the moon of autumn and the flowers of spring. And such is the name chosen for this project revolving around two objectives: to highlight the beauty of Japanese craftsmanship through a minimalist aesthetic and to respond to Fueki Ryûkô’s (不易流行) philosophy, which could be summarized as « Continuity and Change ».

Source: Setsugekka

Minimalism or « Less is more » is what I call a return to the essential. This concept is deeply rooted in the Japanese culture marked by Zen Buddhism. In order to understand it, we have to leave our Western eyes and try to perceive its meaning through the eyes of the Japanese culture. Without going into detail because that is not the point, there are seven aesthetic principles in Zen philosophy including Kanso (簡素), simplicity. The latter makes sense in this initiative where each creation is free of any superfluous elements. By the same token, our daily life itself becomes simpler.

In addition, I think a second concept is perfectly illustrated by this project, that of Yûgen (幽玄), mysterious depth and consisting of feeling the hidden beauty. A beautiful example is no more and no less than the name « Setsugekka ». Everyone can imagine the beauty of cherry trees in spring. But broaden your horizons… Seasons come and go, landscapes change, shaped by the work of nature and man. These cherry trees that you imagine have a past, a present and a future. To feel it is, in my opinion, the perception of this hidden beauty. It is the same for these objects. The raw material has been worked, shaped to give it the desired form. Over time, it will also evolve, the beauty of use.

Source: personal photo

Fueki Ryûkô’s philosophy may seem complex but an example is better than a long speech. Handicrafts are, in my opinion, an important part of Japanese culture and as such, have an immutable essence. However, on several occasions, I have noticed that traditional craftsmanship sometimes struggles to find its place in our modern society. Thus, I think that the main challenge is to integrate changes, evolutions without changing the original form.

Therefore, this project aims to present the work of artists, craftsmen and companies immersed in the very heart of these reflections. You will find creations touching different materials, intended for different uses but all marked by the same desire to bring an aesthetic reduced to its purest essence and this will to integrate them in our daily life and by this way, to enrich it. I would go even further… It is not only about concepts embodied in the work of these men and women but also the transmission of values strongly rooted in Japanese culture.

This is particularly the case for the clothing brand IITO. Specialized in the manufacture of cotton clothes for nearly 70 years in the Kumamoto region, the clothes it offers are marked by a simplicity in the form but a technical research in order to bring softness, comfort, durability to its creations. You will find more information related to this brand in the article dedicated to it 😉

This article is coming to an end but before I leave you, I also wanted to highlight the work of another one of these people who is putting her talent and know-how at the service of this project: Yuki Onizuka, a specialist in Yokoburi (横振り) embroidery, a term meaning horizontal swing.

A strange name to say the least, but patience. Let’s go back in time and precisely to the Taishô era (1912-1926), period during which this process was born. It would find its origin in the city of Kiryû in the current prefecture of Gunma and was mainly used for the embroidery of Buddhist altar objects and kimono.

Today, this craftswoman creates modern jewelry using a 70-year-old mechanical sewing machine! But unlike a conventional machine, the needle of this one moves from left to right, creating a kind of swing from which the technique takes its name.

At this moment, imagine the piece of fabric delicately placed on the workbench, the back and forth movement of the needle giving substance to the artist’s creation. Even more, the sounds produced by this machine activated by movements on the pedal, the lever… The scene comes to life and, in your turn, you can perceive its hidden beauty.

But beyond its original form, this technique is sublimated by the know-how and inspirations of this artist. Thus, she does not only reproduce a process, she enriches it. The result is unique pieces in which nature reveals itself with a lot of grace and softness. Nature is revealed to us in its simplest but magnificent simplicity.

If you want to know more about Setsugekka, I invite you to visit their website: Setsugekka (setsugekka1911.jp)

You can also follow them on social networks via :

This fabulous initiative was embodied in three Pop-up Exhibitions held in Paris, Antwerp and London from January 07 to 22. Via Setsugekka’s Facebook page, you can discover the work of other talented artists ! On WalloNihon’s page, don’t hesitate to consult the post dedicated to my visit of the one in Antwerp: discoveries, meetings were there !

Source: personal photo

Le projet Setsugekka: la beauté minimaliste

Setsugekka (雪月花), une appellation poétique désignant la beauté naturelle des saisons au Japon : la neige de l’hiver, la lune de l’automne et les fleurs du printemps. Et tel est le nom choisi pour ce projet s’articulant autour de deux objectifs : mettre en valeur la beauté de l’artisanat japonais à travers une esthétique minimaliste et répondre à la philosophie de Fueki Ryûkô (不易流行) que l’on pourrait synthétiser par « Continuité et changement ».

Source: Setsugekka

Le minimalisme ou « Less is more », moins c’est plus, est ce que j’appelle un retour à l’essentiel. Ce concept s’enracine profondément dans la culture japonaise marquée par le Bouddhisme Zen. Pour le comprendre, il nous faut délaisser notre regard d’Occidentaux pour tenter d’en percevoir la signification au travers de celui de la culture nipponne. Sans entrer dans les détails car ce n’est pas le but, il existe sept principes esthétiques dans la philosophie Zen dont le Kanso (簡素), simplicité. Cette dernière prend sens dans cette initiative où chaque création est libérée de tout élément superflu. Par la même, notre quotidien en devient lui-même plus simple.

En outre, je pense qu’un second concept est parfaitement illustré par ce projet, celui de Yûgen (幽玄), profondeur mystérieuse et consistant à ressentir la beauté cachée. Un bel exemple n’est ni plus ni moins que le nom « Setsugekka ». Chacun peut imaginer la beauté des cerisiers au printemps. Mais élargissez vos horizons… Les saisons se succèdent, les paysages évoluent, façonnés par l’œuvre de la nature et de l’Homme. Ces cerisiers que vous imaginez ont un passé, un présent et un futur. Le ressentir est, à mon sens, la perception de cette beauté cachée. Il en va de même pour ces objets. La matière première a été travaillée, façonnée pour lui donner la forme désirée. Au fil du temps, celle-ci aussi va évoluer, la beauté de l’usage.

Source: photo personnelle

La philosophie de Fueki Ryûkô peut paraître complexe mais un exemple vaut mieux qu’un long discours. L’artisanat est, à mon sens, un élément important de la culture japonaise et à ce titre, possède une essence immuable. Toutefois, à plusieurs reprises, j’ai constaté que l’artisanat traditionnel peine parfois à trouver sa place dans notre société moderne. Ainsi, je pense que le principal défi est d’y intégrer des changements, des évolutions sans en modifier la forme originale.

De ce fait, ce projet vise à présenter le travail d’artistes, d’artisans et d’entreprises plongés au cœur même de ces réflexions. Vous y trouverez des créations touchant à différentes matières, destinées à différents usages mais toutes marquées par ce même désir d’apporter une esthétique réduite à son essence la plus pure et cette volonté de les intégrer dans notre vie quotidienne et par là même, de l’enrichir. J’irais même plus loin… Il ne s’agit pas uniquement de concepts s’incarnant dans le travail de ces hommes et de ces femmes mais également la transmission de valeurs fortement ancrées dans la culture japonaise.

C’est notamment le cas de la marque de vêtements IITO. Spécialisée dans la fabrication de vêtements en coton depuis près de 70 ans dans la région de Kumamoto, les habits qu’elle propose sont marqués par une simplicité dans la forme mais une recherche technique afin d’apporter douceur, confort, durabilité à ses créations. Vous trouverez davantage d’informations liées à cette marque dans l’article qui lui est dédié 😉

Cet article arrive à son terme mais avant de vous quitter, je souhaitais également mettre en lumière le travail d’une autre de ces personnes qui met son talent et son savoir-faire au service de ce projet : Yuki Onizuka, spécialiste de la broderie Yokoburi (横振り), un terme signifiant balancement horizontal.

Une appellation pour le moins étrange mais patience. Remontons dans le temps et précisément à l’ère Taishô (1912-1926), période durant laquelle ce procédé est né. Ce dernier trouverait son origine dans la ville de Kiryû dans l’actuelle préfecture de Gunma et était principalement utilisé pour la broderie d’objets d’autels bouddhiques et de kimono.

Aujourd’hui, cette artisane crée des bijoux modernes à l’aide d’un modèle de machine à coudre mécanique vieux de 70 ans ! Mais contrairement à une machine classique, l’aiguille de celle-ci se déplace de gauche à droite, créant une sorte de balancement duquel la technique tire son nom.

À cet instant, imaginez la pièce de tissu délicatement posée sur l’établi, le mouvement de va et vient de l’aiguille donnant corps à la création de l’artiste. Plus encore, les sons produits par cette machine actionnée par des mouvements sur la pédale, le levier… La scène prend vie et, à votre tour, vous pouvez en percevoir la beauté cachée.

Mais dépassant sa forme originelle, cette technique se voit sublimée par le savoir-faire et les inspirations de cette artiste. De ce fait, elle ne fait pas que reproduire un procédé, elle l’enrichit. Il en résulte des pièces uniques dans lesquelles la nature se dévoile avec beaucoup de grâce, de douceur. La nature nous est révélée dans ce qu’elle a de plus simple mais une magnifique simplicité.

Si vous souhaitez en savoir plus sur Setsugekka, je vous invite à consulter leur site Internet : Setsugekka (setsugekka1911.jp)

Vous pouvez également les suivre sur les réseaux sociaux via :

Cette fabuleuse initiative s’est incarnée dans trois Pop-up Exhibition qui se sont tenus à Paris, Anvers et Londres du 07 au 22 janvier. Via la page Facebook de Setsugekka, vous pourrez découvrir le travail d’autres artistes talentueux ! Sur celle de WalloNihon, n’hésitez pas à consulter le post dédié à ma visite de celui d’Anvers : découvertes, rencontres ont été au rendez-vous !

Source: Photo personnelle