Le projet Setsugekka: la beauté minimaliste

Setsugekka (雪月花), une appellation poétique désignant la beauté naturelle des saisons au Japon : la neige de l’hiver, la lune de l’automne et les fleurs du printemps. Et tel est le nom choisi pour ce projet s’articulant autour de deux objectifs : mettre en valeur la beauté de l’artisanat japonais à travers une esthétique minimaliste et répondre à la philosophie de Fueki Ryûkô (不易流行) que l’on pourrait synthétiser par « Continuité et changement ».

Source: Setsugekka

Le minimalisme ou « Less is more », moins c’est plus, est ce que j’appelle un retour à l’essentiel. Ce concept s’enracine profondément dans la culture japonaise marquée par le Bouddhisme Zen. Pour le comprendre, il nous faut délaisser notre regard d’Occidentaux pour tenter d’en percevoir la signification au travers de celui de la culture nipponne. Sans entrer dans les détails car ce n’est pas le but, il existe sept principes esthétiques dans la philosophie Zen dont le Kanso (簡素), simplicité. Cette dernière prend sens dans cette initiative où chaque création est libérée de tout élément superflu. Par la même, notre quotidien en devient lui-même plus simple.

En outre, je pense qu’un second concept est parfaitement illustré par ce projet, celui de Yûgen (幽玄), profondeur mystérieuse et consistant à ressentir la beauté cachée. Un bel exemple n’est ni plus ni moins que le nom « Setsugekka ». Chacun peut imaginer la beauté des cerisiers au printemps. Mais élargissez vos horizons… Les saisons se succèdent, les paysages évoluent, façonnés par l’œuvre de la nature et de l’Homme. Ces cerisiers que vous imaginez ont un passé, un présent et un futur. Le ressentir est, à mon sens, la perception de cette beauté cachée. Il en va de même pour ces objets. La matière première a été travaillée, façonnée pour lui donner la forme désirée. Au fil du temps, celle-ci aussi va évoluer, la beauté de l’usage.

Source: photo personnelle

La philosophie de Fueki Ryûkô peut paraître complexe mais un exemple vaut mieux qu’un long discours. L’artisanat est, à mon sens, un élément important de la culture japonaise et à ce titre, possède une essence immuable. Toutefois, à plusieurs reprises, j’ai constaté que l’artisanat traditionnel peine parfois à trouver sa place dans notre société moderne. Ainsi, je pense que le principal défi est d’y intégrer des changements, des évolutions sans en modifier la forme originale.

De ce fait, ce projet vise à présenter le travail d’artistes, d’artisans et d’entreprises plongés au cœur même de ces réflexions. Vous y trouverez des créations touchant à différentes matières, destinées à différents usages mais toutes marquées par ce même désir d’apporter une esthétique réduite à son essence la plus pure et cette volonté de les intégrer dans notre vie quotidienne et par là même, de l’enrichir. J’irais même plus loin… Il ne s’agit pas uniquement de concepts s’incarnant dans le travail de ces hommes et de ces femmes mais également la transmission de valeurs fortement ancrées dans la culture japonaise.

C’est notamment le cas de la marque de vêtements IITO. Spécialisée dans la fabrication de vêtements en coton depuis près de 70 ans dans la région de Kumamoto, les habits qu’elle propose sont marqués par une simplicité dans la forme mais une recherche technique afin d’apporter douceur, confort, durabilité à ses créations. Vous trouverez davantage d’informations liées à cette marque dans l’article qui lui est dédié 😉

Cet article arrive à son terme mais avant de vous quitter, je souhaitais également mettre en lumière le travail d’une autre de ces personnes qui met son talent et son savoir-faire au service de ce projet : Yuki Onizuka, spécialiste de la broderie Yokoburi (横振り), un terme signifiant balancement horizontal.

Une appellation pour le moins étrange mais patience. Remontons dans le temps et précisément à l’ère Taishô (1912-1926), période durant laquelle ce procédé est né. Ce dernier trouverait son origine dans la ville de Kiryû dans l’actuelle préfecture de Gunma et était principalement utilisé pour la broderie d’objets d’autels bouddhiques et de kimono.

Aujourd’hui, cette artisane crée des bijoux modernes à l’aide d’un modèle de machine à coudre mécanique vieux de 70 ans ! Mais contrairement à une machine classique, l’aiguille de celle-ci se déplace de gauche à droite, créant une sorte de balancement duquel la technique tire son nom.

À cet instant, imaginez la pièce de tissu délicatement posée sur l’établi, le mouvement de va et vient de l’aiguille donnant corps à la création de l’artiste. Plus encore, les sons produits par cette machine actionnée par des mouvements sur la pédale, le levier… La scène prend vie et, à votre tour, vous pouvez en percevoir la beauté cachée.

Mais dépassant sa forme originelle, cette technique se voit sublimée par le savoir-faire et les inspirations de cette artiste. De ce fait, elle ne fait pas que reproduire un procédé, elle l’enrichit. Il en résulte des pièces uniques dans lesquelles la nature se dévoile avec beaucoup de grâce, de douceur. La nature nous est révélée dans ce qu’elle a de plus simple mais une magnifique simplicité.

Si vous souhaitez en savoir plus sur Setsugekka, je vous invite à consulter leur site Internet : Setsugekka (setsugekka1911.jp)

Vous pouvez également les suivre sur les réseaux sociaux via :

Cette fabuleuse initiative s’est incarnée dans trois Pop-up Exhibition qui se sont tenus à Paris, Anvers et Londres du 07 au 22 janvier. Via la page Facebook de Setsugekka, vous pourrez découvrir le travail d’autres artistes talentueux ! Sur celle de WalloNihon, n’hésitez pas à consulter le post dédié à ma visite de celui d’Anvers : découvertes, rencontres ont été au rendez-vous !

Source: Photo personnelle

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2 réflexions sur « Le projet Setsugekka: la beauté minimaliste »

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